Shaftesbury est une synthèse de rationalisme éclairé (avec sa réduction anthropologique) et d'antiquité (avec son cadre esthétique et cosmologique) qui conduit à l'éthique à laquelle s'ajoute une disposition subjective qui correspond le mieux à la dignité et à la liberté de l'homme et le met aussi le mieux en contact avec la réalité absolue, la dignité présente dans la nature universelle.
La réduction de deux positions "religieuses" antinomiques à une éthique religieusement neutre conduit à la réduction théorique de Descartes au Cogito avec pourtant une différence révélatrice dans le progrès du temps : l'éthique comme un minimum irréductible se fondant sur la liberté comme autonomie est considérée comme un maximum se suffisant à lui-même.
Pour Shaftesbury l'athéisme est neutre par rapport à l'éthique alors que la religion peut intérieurement la surélever et parfaire l'éthique bien qu'en général elle la mette en danger... Cela parce que l'homme libre aime le bien pour l'amour du bien et l'accomplit pour le même motif; et c'est seulement de ce sommet qu'il voit librement la véritable essence de l'esprit absolu : ou bien en effet Dieu est pure bonté et effusion désintéressée de soi et dans ce désintéressement pure béatitude ou il n'est rien.
"Le regard levé vers Dieu s'accompagne d'une totale intuition éthique et esthétique que la raison raisonnante peut analyser en mettant en lumière les implications du phénomène éthique originel"
Shaftesbury in The Moralists a philosophical Rhapsody III 110 et 140-141
Shaftesbury passe ainsi de l'enthousiasme post-antique à la prière... La prière a revêtu la forme de l'enthousiasme qui chante des hymnes.
Le Dieu Nature éternel est livré à l'homme dans un état de total kénose : ici note Balthasar, Hölderlin, Rilke et Heidegger prolongeront la pensée de Shaftesbury.
Pour Balthasar, "le principe de Prométhée a progressé dans la philosophie du Jésus-Christ de Fichte dans l'idéal de la liberté de Shelling, dans la dialectique de Hegel. Avec une tout autre rigueur que dans la philosophie platonicienne du daimonon, le principe de Prométhée a dépassé le rapport d'Ulysse et d'Athéné. Car les grecs pensaient dans le cadre d'analogie, mais Bruno et Shaftesbury dans celui de l'identité. Cette identité cachée rend essentiellement bon l'homme-titan mais aussi le citoyen plus inoffensif du siècle des Lumières. C'est dans cette seule hypothèse de l'identité que l'enthousiasme de l'homme, c'est-à-dire son intimité avec Dieu peut suffire comme prière. Son aspiration à la transcendance dans le Tout animé par Dieu est déjà l'immanence de Dieu en lui : comportement d'amour se dépouillant de son moi, ce mouvement est déjà celui de la réconciliation. Ce sentiment correspond à la recherche tâtonnante de Paul sur l'Aéropage (Ac 17, 27). (cf. p.85)
Pour Balthasar cela correspond à l'essai de faire coïncider à nouveau, en dépit des nuits envahissantes du présent, la gloire chrétienne avec la beauté antique. Ce sera l'oeuvre poétique d'Hölderlin.
Ouvrages d'Anthony Ashley Cooper (1671- 1713), Earl of Shaftesbury
The Moralists a philosophical Rhapsody
Characteristicks of Men, Manners, Opinions, Times
Source principale : Hans Urs von Balthasar,
La Gloire et la Croix, Les aspects esthétiques de la révélation,
4 Le Domaine de la Métaphysique
*** Les héritages,
tome 86 tr. Givord, Aubier Théologie, Paris 1983
Dans le même ouvrage, une analyse de :
Nicolas de Cuse
Marsile Ficin
Léon l'Hébreu
Giordano Bruno
Göttfried de Strasbourg
Paul Claudel
Comte Anthony de Shaftesbury
Friedrich Hölderlin
Goethe
Rainer Maria Rilke
Heidegger
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