de Didier Dumas
Didier Dumas est psychanalyste. Dans cet ouvrage, riche, dense et clair, il traite de la sexualité masculine mais il aborde aussi , bien sûr, la sexualité féminine et la relation de couple.
J'y ai trouvé énormément d'éléments d'information, de compréhension, des apports théoriques étayés par des cas cliniques, qui m'aideront dans ma pratique professionnelle. Mais ce livre m'a aussi beaucoup ´ nourrie ª à un niveau plus personnel.
Comme je l'ai dit, ce livre est très dense et il serait vain de chercher à en faire une synthèse.
Voici quelques points qui m'ont parus importants et ont retenus mon attention .Par soucis de clarté, j'espère ne pas avoir trop réduit ou simplifié la pensée de l'auteur.
La place de l'inconscient dans la sexualité ñ le rôle des fantasmes
Pour commencer, Didier Dumas rappelle que l'érotisme est d'abord une affaire de communication, et principalement de communication psychique. La jouissance sexuelle implique une rencontre affective, une sympathie, une complicité fantasmatique, un accord entre les inconscients. C'est dans la mesure où elle échappe aux processus conscients, à la mise en mots, que la sexualité pose parfois problème.
Ce sont les fantasmes sexuels qui ´ établissent un pont entre l'inconscient qui gouverne le sexe et le conscient qui répond de ses actes ª. L'auteur parle d'un ´ dialecte fantasmatique ª propre à chacun, dont dépend sa sexualité et qu'il a bien du mal à comprendre
Les fantasmes se construisent dans l'enfance et le rapport aux parents, ils dépendent des premières expériences à travers lesquelles s'est révélée la jouissance sexuelle et maintiennent en vie les représentations permettant de retrouver cette révélation.
Ils se constituent dans le rapport aux parents, à ce qu'ils énoncent, mais aussi dans le rapport à leur inconscient, à ce qu'ils taisent. Ils peuvent servir de cache à une situation traumatique de l'enfance ou provenir de l'histoire de ses parents ou même de ses ancêtres.
Par la psychanalyse, on peut tenter de comprendre quelque chose à la vie inconsciente et aux fantasmes par lesquels elle se représente. Didier Dumas, en nous exposant des cas cliniques tout à fait éclairant, nous en fait la démonstration.
L'importance de la parole pour la construction sexuelle de l'enfant
La construction fantasmatique par laquelle l'enfant se représente son propre sexe dépend de la langue maternelle utilisée par ses parents. L'absence de mots sur la façon dont ils assument la réalité de leur sexe peut perturber cette construction sexuelle, car l'enfant n'a alors recours qu'à sa seule imagination pour se représenter la place du sexe dans les relations humaines. Il est important que le corps soit pris dans le langage ( par exemple, en nommant le rôle du pénis et des bourses , de l'utérus et des ovaires, et leur immaturité chez l'enfant).
L'enfant accepte ou non la nature de son sexe en fonction de ce que ses parents lui en disent. Il se construit par une idéalisation identificatoire de l'adulte de son propre sexe, et non pas seulement dans un rapport pulsionnel à l'adulte du sexe opposé.
L'adolescence
C'est un temps de grande fragilité où les questions que pose la sexualité, très présentes dans la petite enfance puis oubliées ensuite, resurgissent avec force.
Pour Didier Dumas, la sexualité est animée par deux mouvements :
- l'horizontalité psychique, qui correspond à la constitution de sa propre génération et réfère le sexe au plaisir.
- la verticalité psychique, qui le réfère à la procréation, à ses parents, à l'inscription dans les générations.
A l'adolescence , se construit l'horizontalité psychique. C'est la découverte du sexe comme outil de communication et de plaisir.
Durant cette période, il s'agit aussi de naître à soi-même, de se défaire de ses parents, de les ´ tuer ª imaginairement. Les fantasmes de mort sont souvent très présents.
Un autre point intéressant développé par l'auteur est le rôle de la bande. ´ de la même façon que la mère a jusqu'alors servi d'intermédiaire entre l'enfant et le monde, la bande est un corps annexe qui permet le passage vers l'âge adulte ª. Elle aide l'adolescent à assumer la perte du corps maternel nécessaire à ce passage. Elle préfigure aussi l'inscription dans le social.
Jouissance et procréation les problèmes de l'âge adulte
La sexualité génitale et la procréation dépendent d'un équilibre entre deux forces contradictoires : le nécessaire abandon des parents et l'inscription à leur suite dans la continuité des générations. Cela ne peut se faire sans angoisse et culpabilité.
On retrouve là les deux mouvements psychiques, horizontal (référence à la jouissance, à sa seule génération) et vertical ( référence aux rapport de filiation, à la mort et au sacré), à la croisée desquels se nouent toutes les questions sous tendues par la sexualité. Il y a en permanence écartèlement entre ces deux visées, mais ce n'est qu'à ce prix que la sexualité génitale peut s'épanouir.
Masculin et féminin concernent l'horizontalité, leur complémentarité est responsable de la santé de l'individu. Paternel et maternel concernent la verticalité, leur complémentarité relève de la santé des familles. Mais les deux sont intriquées, et doivent co-exister. L'arrivée d'un enfant vient modifier la vie sexuelle de ses parents. Mais il n'est pas bon que sa mère ou son père se serve de lui pour renoncer à sa sexualité ( on sait combien de mères oublient qu'elles sont femmes et s'enferment dans le rapport à leur enfant. Mais l'auteur nous parle aussi de nombreux hommes reçus en consultation, après la naissance de leur enfant ; ils ont recrée une mère, mais du coup ont perdu le contact avec sa féminité...). En effet, l'enfant est seul à légitimer les statuts de père et mère, mais il est pathogène que la sexualité de ses parents dépende aussi de lui.
Il me semble que bien des problèmes conjugaux et familiaux sont liés à la difficulté pour chaque individu de trouver un équilibre entre les deux vectorisations, horizontale et verticale. L'approche de Didier Dumas apporte un éclairage intéressant pour aider à les décrypter.
Ces notions m'ont renvoyé à l'ouvrage de Philippe Julien, ´ Tu quitteras ton père et ta mère ª.
Je cite : ´ la vraie filiation est d'avoir reçu de ses parents le pouvoir effectif de les quitter à jamais, parce que leur conjugalité était et reste première. Autrement dit, mettre au monde, c'est savoir se retirer, de telle sorte que les descendants soient capables à leur tour de se retirer. Ainsi les parents qui, grâce à leur conjugalité, restent dans leur propre génération, ne font pas peser sur leurs enfants devenus adultes le poids d'une dette de réciprocité. ª
C. K.
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