Le mot adultère aujourd'hui fait peur. De même qu'il faudrait remplacer aveugle par non voyant, il vaudrait mieux dire liaison, aventure, passade, relation, infidélité, bref tout, mais pas ça. Comme si en changeant le nom, la réalité était évacuée. Cette peur du mot est aussi celle du fait: mentir et agir contrairement à la promesse de fidélité jusqu'à la mort faite à l'autre. Dès lors nos contemporains, soit banalisent l'adultère en minimisant sa gravité, soit n'en supportent pas la possibilité ou l'existence, niant avant, l'angoisse de le voir surgir, se débarrassant après par le divorce du ou de la "coupable". Tels l'étourneau et l'autruche, face au serpent fascinant.
Cette fascination est entretenue par toute une série d'erreurs magnifiant la transgression de cet interdit. La littérature a créé des besoins fantasmatiques, I'histoire a entretenu la conviction du peu d'importance de l'adultère masculin, et l'idéologie actuelle porte au pinacle ce que l'on vient d'appeler "la tyrannie du plaisir". Et la chose est d'autant plus tentante lorsque c'est interdit !
Déplaçons notre regard du point focal obsédant qu'est la scène du fiacre de Madame Bovary. Comment en arrive-t-on là ? L'imagination, I'orgueil, I'infantilisme, le silence, la ruée vers le travail ou l'engagement, sont les signes avant-coureurs. Ajoutez-y, pour aujourd'hui, les horaires incompatibles des métiers des deux conjoints, et les interven
tions intempestives des beaux-parents. Le premier clignotant qui s'allume est l'interruption des relations sexuelles. Le deuxième est l'absence de plaisir dans l'union charnelle. Le corps ne ment pas. Il veut dire que la communication, le dialogue, a déjà été coupée en amont. Dès lors le désinvestissement affectif laisse le champ libre, à "I'autre".
Après le fiacre, rien pourtant n'est perdu. L'adultère n'est pas cause de divorce. L'acte n'est pas toute la personne, car nous sommes divisés. Il est souvent preuve d'insatisfaction du cÏur chez la femme, de manque de volonté chez l'homme. Qu'il soit clandestin ou bien connu, il demeure une tentative d'homicide sur l'être nouveau qui apparaissait dans la fidélité mutuelle. Pardonner, ne pas juger, exorciser l'affreux souvenir, re-trouver l'autre qu'on aime toujours, même à travers la haine, ne sont possibles qu'en prenant conscience, qu'à l'Ancienne Loi, toujours valable, gravée dans la pierre: "Tu ne commettras pas l'adultère", s'est ajoutée la Loi Nouvelle gravée sur le sable par Jésus: "Va, et ne pèche plus ". Victime et coupable ? Non, nous sommes tous pécheurs. Du jour où nous nous décentrons, où nous renonçons à jeter nos pierres, en prenant de la distance, alors, à ce moment-là, il n'y a plus d'adultère.
Michel Rouche
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