Le phénomène de la vie à deux sans être marié est devenu une composante importante de la société française d'aujourd'hui. I1 était indispensablequ'Alliance, revue de spiritualité conjugale, étudie cette pratique afin d'en faire mieux connaître ses causes, ses avantages et ses inconvénients. Nous avons d'abord donné la parole aux jeunes puis aux parents en alternant, comme de coutume, articles de fond et témoignages.
Ce n'est pas la première fois que le concubinat, comme on disait en droit romain, réapparaît. I1 révèle une crise des valeurs d'une civilisation, un manque de confiance dans la société, une peur de l'engagement personnel. Mais il est en même temps un désir de liberté, une tentative pour repenser un couple qui ne s'enlise point dans la durée, une recherche obscure d'un amour authentique. Certes, chez ceux qui en restent au stade adolescent, c'est aussi un culte du non aux parents, une vision idéologique de la loi. Celle-ci est perçue comme un carcan au lieu d'être une béquille pour conforter l'engagement. C'est une zone de recherche floue, où chacun des deux ne se trouve pas au même endroit de leur itinéraire.
Les couples non mariés vivent donc dans un no man's land. Et non seulement leur territoire est de nulle part, mais on ne sait pas quel nom leur donner. En droit romain, d'ailleurs, les concubins étaient en état de non droit. Ils n'existaient pas aux yeux de la société. De plus, et c'est un caractère propre à notre époque, la contraception permet de séparer durablement le couple de la famille. Le couple est alors composé de deux individus et non point de deux personnes en lien l'une avec l'autre. Certes, le lien charnel existe, mais non le lien symbolique créé par la parole publique. Et ce n'est pas le PACS qui va remplir ce vide juridique, ce maelstrom de cÏurs et de corps qui se cherchent, puisqu'il ne s'occupe que des impôts ou de la répudiation.
Comprendre ne signiffe point approuver. Faire découvrir, par une immense confiance, que l'amour conjugal chrétien se tricote dans l'instant et dans la durée en disant: Je suis par l'A(a)utre, telle est la tâche des parents prenant la réalité en compte. Où en sont-ils ? Qu'expriment-ils ? N'oublions pas que dans leur recherche inquiète, ou faussement quiète parce que l'instant prime sur la durée, leurs parents restent un point fixe. Les couples non mariés ont du mal à passer de l'individu à la personne, de la pulsion au projet. Leur fragilité est un appel au témoignage de notre espérance car, comme le dit Péguy: "L'espérance aime ce qui sera".
Michel Rouche