"CE MYSTÈRE EST GRAND", dit saint Paul à propos du mariage, union du Christ et de l'Église. S'il est si mystérieux, comment pouvoir en parler et dire l'indicible ? Une première solution est d'éclairer le sens du mot mystère (en grec mysterion), traduit en latin par sacramentum et en français par sacrement. Mystère désigne une révélation tellement éblouissante qu'elle rend aveugle quand on la regarde en face, parce qu'elle vient de l'amour incommensurable de Dieu pour chacun. Mais si nous l'acceptons dans un acte de foi, alors elle révèle son action continue dans notre vie quotidienne.
La majeure partie de ceux qui viennent aujourd'hui se marier à l'Église n'en ont pas conscience. Comment rendre perceptible et affirante cette vie divine dans le cceur et le corps des époux, ce "déjà là" et ce "pas encore" qui les mènera vers la résurrection ? En faisant comprendre que le mariage ne peut pas réussir en comptant sur ses propres forces, et que le Christ, en s'alliant aux époux, par sa divinité et son humanité, leur apporte une transformation qui respecte leur individualité. Leur union est alors communion. Ils restent eux-mêmes et pourtant ils deviennent autres.
Cette alliance ne peut être scellée que par l'union charnelle. Car "au commencement était la Parole ", et au commencement du mariage est la parole publique des époux. Puis "la Parole s'est faite chair", comme le Christ est devenu homme, les époux parlent leur amour dans leur chair. Ce parallèle qui fait du corps le lieu de l'incarnation d'une parole de foi implique alors une série de conséquences.
Le corps ne peut plus oublier ce langage qui s'est inscrit en lui. Chacun accepte le don de l'autre, le reçoit avec sa différence et son altérité au point de participer au mystère pascal en acceptant une certaine forme de mort, en refusant de transformer le conjoint en objet, en lui accordant le pardon. Deux libertés maintiennent, grâce à la présence du Christ, leur oui jusqu'au bout.
Et l'on comprend qu'à la loi soit intimement liée la miséricorde, que l'Église ait fait du prêtre le garant de l'authenticité du mariage, du juge de l'officialité l'analyste des conditions de nullité du sacrement. La sollicitude de l'Église pour le sacrement de mariage va même jusqu'à reconnaître que le mariage des protestants est un sacrement, alors que ces derniers refusent de lui donner cette qualification. Décidément, pour que ce sacrement soit aussi déroutant, il faut vraiment qu'il soit grand.
Michel Rouche

